Cette page réunit des lettres que nous avons reçues de diverses personnes qui tiennent à exprimer leur souci pour la préservation de cette synagogue historique irremplaçable, de la destruction.
Réponse à Sinbad Hammache Journal des arts
Monsieur,
Nous avons lu attentivement votre article paru dans le Journal des arts (8 décembre 2021). Permettez-moi de vous proposer un autre regard sur ce projet :
D’abord, nous ne sommes pas des « détracteurs » qui n’auraient d’autres motifs que de dénigrer : nous sommes des opposants à ce projet de destruction, et ceci pour deux raisons simples auxquelles ne sont sensibles malheureusement ni l’ULIF ni le JEM, non plus que la DRAC qui n’a pas voulu protéger ce lieu au titre des Monuments Historiques (l’APPC a fait appel de cette décision) :
D’une part la beauté de la salle de culte, sa richesse artistique, sa singularité exceptionnelle.
D’autre part, ces murs qui ont une histoire centenaire, qui ont été les témoins de tout ce qui s’est joué pendant la guerre, puis au cours des deux attentats qui ont endeuillé la communauté juive et qui en gardent physiquement et secrètement la trace.
Bref, ce lieu a une âme et on ne veut pas le voir !
Pourquoi faire table rase ? Nous avons besoin du passé, de cette continuité avec lui, de cette mémoire pour nous projeter dans l’avenir, pour transmettre aux générations qui viennent.
Alors on trouve des prétextes : « besoin de mise aux normes » : la salle de culte actuelle est pourtant accessible en fauteuil roulant. Et on se fait plaisir avec un projet démesuré et décalé. Il n’est qu’à voir la première mouture du projet de salle de culte, inesthétique au possible avec cette verrière placée en longueur au mépris du sens de l’iconographie qu’elle porte …
Et puis on triche, on maquille (pas vous bien sûr Monsieur Hammache qui êtes un médiateur) mais vos interlocuteurs de l’ULIF et du JEM : on laisse entendre que « tout sera remis en place pierre par pierre » (Il n’y a que du béton et du stuc), que « le projet modifié reconstitue la salle de culte existante » (non, le projet de salle de culte diffère grandement, par sa forme, ses dimensions, cette trop grande mezzanine dont on se demande quel effet elle aura sur l’acoustique...)
Voici un extrait de l’analyse qu’a faite pour l’APPC Mme Agnès Cailliau, ancienne architecte en chef urbaniste de l’État * : « L’opération de démolition totale, avec une reconstruction très partielle, fragmentaire, de la salle de culte de la synagogue Copernic, ressemble fort à ce que font ces antiquaires, qui vont « piquer » les éléments principaux dans les maisons et châteaux à démolir, comme leurs grandes cheminées avec leurs trumeaux, pour pouvoir les revendre ensuite. Les nouveaux propriétaires sont généralement fiers de ces éléments qui sont recollés au mur, pour « faire semblant » … mais les architectes et personnes de « culture » voient tout de suite le collage. Ici, frottons nous les yeux, l’antiquaire est-il vraiment un architecte en chef des Monuments Historiques, prêt à démonter la « Téba » et à la recoller quatre mètres plus haut ?? »
En effet on s’interroge sur la quantité de moulages (très onéreux) qu’il faudrait réaliser, avant de transformer en gravats ce beau lieu, pour aboutir à une salle « pastiche » dont tout indique qu’elle ne saurait rien restituer de l’original dans son essence même : ce ne serait que du « Faire semblant » comme l’écrit Mme Cailliau. Exit aussi ce beau Lanterneau qui diffuse si joliment sa lumière, pour être remplacé par un pauvre cylindre.
Et, poursuit-elle dans l’analyse de ce projet mal documenté qu’est le projet « Valode et Pistre » : « Outre la perte de la salle de culte, et de la façade sur rue, qui fait partie de la construction urbaine majoritaire du quartier de la Place Victor Hugo, de la fin du XIXe et début XXe très intéressante, on aboutit à l’artificialisation des terres naturelles et humides qui ceinturent actuellement les belles structures voûtées et les fondations profondes du grand Réservoir d’eau de Passy, situées immédiatement derrière l’édifice. Les excavations risquent de déséquilibrer la structure de ce patrimoine paysager et aquatique, incroyable, construit en meulière, avec des arcs de décharge élégants, formant un ensemble de la rusticité du langage des jardins, employé bien à propos ici. »
L’ULIF et le JEM pourraient fort bien développer des activités culturelles dans d’autres lieux parisiens, et ainsi, mieux réguler ces activités en fonction des goûts du public qu’elles concernent, ce que font d’autres synagogues.
Pour finir, Monsieur, l’APPC ne rassemble pas « une dizaine de fidèles » : nous sommes une petite centaine et notre pétition rassemble à présent plus de 11000 signatures, dont celle de personnalités comme Jack Lang, Jean-Marie Rouart, plusieurs sénateurs et députés et par notre travail de fourmi, nous élargissons chaque jour un peu plus le cercle de ceux qui, en France et à l’étranger sont saisis d’émotion à l’idée de voir détruite cette synagogue et qui nous le témoignent. Nous restons une petite association : David contre Goliath ? sans doute, nous verrons bien …
L’ULIF et le JEM parviendront-ils à faire disparaitre ce monument, que deux attentats n’ont pas réussi à démolir ? Quoiqu’il advienne, l’Histoire ne s’écrira pas sans l’APPC.
En vous remerciant pour l’intérêt que vous portez à la synagogue Copernic, et restant à votre disposition pour tout éclaircissement que vous souhaiteriez de notre part. Alain BILLARD
* Madame Agnès Cailliau, architecte du patrimoine, ancienne Architecte en chef urbaniste de l’État, expert ICOMOS XXe et PRERICO
Témoignage d'un résident du quartier
Toute personne adhérant à une religion a droit au réconfort de sa foi, et à la possibilité de rendre celle-ci plus vivante. Rénover un lieu de culte, pour mieux l’adapter aux prières des fidèles, paraît donc un processus naturel.
Rénover oui, mais faut-il rénover au prix de détruire ? Ce verbe contient une agressivité embarrassante qui, pour ma part, paraît difficilement compatible avec la notion de réconfort… Tenter d’assurer l’unité d’un groupe en détruisant un lieu de culte, est-ce un sentiment compatible avec une piété respectueuse ? Oui peut-être, à la condition de vouloir affirmer sa puissance matérielle : en érigeant, après la destruction, un édifice plus « éclatant ».
Le quartier Copernic est très dense quant au nombre de ses habitants : y vivent des personnes toutes aussi humaines que les fidèles de la synagogue, et tout être, habité par une spiritualité vivante, devrait s’interdire de cloisonner notre espèce en des catégories qui empêchent tout échange convivial.
Or l’insertion brutale – comme peut l’être celle d’une construction de grande ampleur – d’une nouvelle construction tend à fracturer le tissu humain d’un quartier déjà dense par le nombre de ses habitants. Il convient donc d’être très prudent, et d’éviter la rupture d’un équilibre que les années ont modelé, parfois, il est vrai, dans la souffrance. Cette rupture peut éveiller, à notre époque, des sentiments troubles qui, en matière de religion, s’expriment parfois de façon agressive. Tout accomplissement de sentiments religieux se doit de composer avec le reste de la famille des humains : il s’agit d’un tissu très subtil, qui, s’il est rompu, peut susciter des réactions hostiles.
Actuellement, les religions, par certains côtés, s’affrontent dans le monde, permettant à quelques dévoyés d’y trouver des points de fixation pour déverser leur haine de l’humain. Il importe donc être très attentif : surtout, ne pas déclencher involontairement leurs débordements dévastateurs. Il faut donc éviter tout ce qui pourrait être assimilé à une provocation, et s’insérer avec douceur et tact dans un tissu humain douloureusement fragilisé par les agressions passées : ce devrait être la première préoccupation des responsables de ce lieu de culte.
Souhaitons qu’ils en prennent conscience, pour le bien du quartier et de tous ses habitants. T.D., 3.12.2019
« La conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir. » (Henri Bergson, L’Énergie spirituelle, 1919)
Lettre d'un architecte membre de l'ULIF
Paris le 27 Février 2017
Monsieur Jean-François BENSAHEL Monsieur le Président, Cher Monsieur
Je vous remercie d'avoir fait réaliser cette présentation du projet de la synagogue et remercie mes confrères Valode et Pistre pour la qualité de cette présentation, qui compte tenu du programme qu’on leur a donné tient de la quadrature du cercle.
Je ne remets pas en question cette présentation mais me pose le problème de la mise au premier étage de la salle de prière.
Pour atteindre 500 personnes ils n’avaient pas d’autre choix qu’occuper tout le terrain au 1er étage + une mezzanine.
Nous avons étudié bénévolement ce projet depuis 2002 puis en 2010, époque où nous n'avions pas la possibilité d'y adjoindre la parcelle de gauche ou une partie de cette parcelle du Réservoir de la Ville de Paris qui effectivement change la donne.
Je vous félicite avoir mené à bien cette négociation qui modifie et élargit complètement la possibilité des études et en particulier le fait de pouvoir laisser la salle de prière au rez-de-chaussée.
Vous avez dû noter comme moi jeudi soir, l’attachement quasi-viscéral d'une grande partie de la communauté à la salle actuelle, aussi je pense qu'il faut revoir les études et la programmation en fonction de cet attachement.
N’oubliez pas que même si vous êtes tourné vers l'avenir et nos jeunes, ce projet sera financé par la communauté des gens qui sont actuellement inscrits et dont on ne peut exclure l’avis, car ce sont eux qui régleront la facture même si elle est destinée à nos enfants.
Techniquement, grâce à votre travail qui agrandit le terrain d’assiette, il est possible d'agrandir la salle actuelle à gauche en symétrie de la partie à droite, de démolir la partie de plancher légèrement surélevé de la façade sur rue pour la mettre de niveau avec la salle de prière et donc d'agrandir très sensiblement le nombre de places assises de la synagogue actuelle pour la porter à environ 450 places, tout en la laissant à sa place actuelle. (voir croquis joint)
Cela simplifie largement les circulations et les unités de passage et permet de regagner toute la surface de ce grand escalier prenant plus de 50 m² pour atteindre le premier étage indépendamment de la gêne que cela peut procurer à des personnes âgées de monter plus de 5,50 m.
Dans la salle de prière on peut au premier étage agrandir de la même manière les surfaces la mezzanine et augmenter sensiblement le nombre de places actuelles qui est réduit.
Il faut faire cette étude rapide, calculer le nombre de places que l'on obtiendrait effectivement à rez-de-chaussée, je laisse au talent de nos Architectes le soin d’optimiser cette proposition.
La vraie question est de savoir combien de places avec ce projet nous aurions réellement, et quelle différence y a-t-il par rapport à votre objectif de 500 places.
Le cout du projet actuel que j'estime personnellement à environ huit millions d'euros (hors frais et honoraires) est à comparer avec celui de la réhabilitation de la synagogue actuelle tout en maintenant une nouvelle façade et la surélévation des étages dans l’esprit du projet de nos Architectes.
Combien valent réellement les 50 ou 60 places manquantes?
Enfin, même à prix excessif continuer à racheter le reste du rez-de-chaussée du 25 rue Copernic pour trouver d’autres surfaces permettra d’éviter des travaux en étages.
C’est ce choix qu'il faudra ensuite proposer à la communauté par un référendum pour savoir quel est le sentiment réel des membres actuels appelés à financer ce projet, et qui seul donnera la légitimité au choix final.
Je vous remercie d’ajouter cette proposition à notre communauté pour enrichir le débat.
Dans cette attente, recevez Cher Monsieur mes cordiales salutations,
Raymond ICHBIAH, Architecte Honoraire membre depuis plus de 50 ans.
Lettre d'un architecte du patrimoine
Il s’agit de « notre » cause, de notre patrimoine à tous, et merci à vous de nous avoir signalé cette cause, et de continuer à vous battre.
J’espère que vous vous rendez compte de l’importance de votre action, qui va dans le sens du développement durable. Notre patrimoine est fait de strates de construction, témoignant de leur époque, et l’actuelle synagogue de la Rue Copernic, garde encore aujourd’hui, deux époques importantes, celle de la construction originelle, et celle de la restauration à l’identique, après l’attentat. Les nouveaux décideurs pourraient faire le choix de modifier et d'étendre l’actuelle synagogue avec intelligence, au lieu de tout démolir. La démolition de type tabula rasa, est une solution de facilité, prônée par certains architectes, qui préfèrent bien sûr tout reprendre à zéro, et on les comprend, car c’est tellement plus facile à faire !!
Il s’agit malgré tout, d’une attitude presque « prétentieuse », au regard de nos anciens. Que l’on jette du mobilier, pas de problème, on peut le récupérer, le transmettre à d’autres, mais des édifices, s’ils sont « jetés », avec les pelleteuses, ils sont perdus à jamais. Les générations suivantes regretteront sûrement cette partie de l’histoire de votre synagogue, qui concerne la fondation première, au début du XXe siècle.
Agnès CAILLIAU le 26 août 2019
Lettre d'un résident de la rue Copernic adressée à l'ULIF
Paris le 9.5.18
Cher Monsieur le Président,
Je me permets de vous écrire au sujet d'un projet concernant le réaménagement de la synagogue de la rue Copernic. Je me présente, Thierry DELABALLE, architecte paysagiste ancien collaborateur d'une agence d'Architecture qui a fait ses preuves. Je suis aussi riverain de la rue Copernic.
La presse a donc publié une présentation dans le site d'une nouvelle synagogue (Le Parisien du 21.3.18).
Je me dois tout d'abord de vous signaler que l'horrible attentat d'octobre 1980 a déclenché lors de l'explosion des vibrations notoires sur les façades des immeubles environnants dont celui dans lequel j'habite qui a subi quelques désordres actuellement colmatés… on l'espère… (le n° 17 est situé en amont assez loin de l'impact).
Les travaux concernant les fondations de l'éventuelle nouvelle Synagogue devront très sérieusement tenir compte de la fragilité du tissu urbain aux alentours.
Quant à la partie visible de l'édifice côté rue, dessinée en montage perspectif (illustration du « Parisien »), je souhaiterais émettre quelques impressions personnelles.
Pardonnez-moi, mais je reste surpris devant l'extrême banalité du projet ainsi présenté. L'élévation spirituelle est… introuvable. On est ici dans le fonctionnel bien matérialiste de l'époque présente. On pense plus à l'entrée d'un centre commercial type (années 1970, environ) dont les plans étaient exécutés à la chaine… centres commerciaux ou cinémas multi-salles, ou encore immeuble de parkings d'automobiles. Bref honorer une religion, cela se fait, me semble-t-il, dans la douceur et non dans le brutalisme “commercial”.
Il faudrait penser à la vie de cette rue qui est composée d'une population diverse : religions, sociologie… Vous indiquez, pour la façade de l'édifice, la représentation des sept branches du chandelier sacré ; pour la plupart des passants, il s'agira de la vue de meurtrières, de grilles géantes peut-être pour un local transformateur électrique, par exemple. Cette rue, comme toutes les autres, appartient à chacun de nous, y compris, bien sûr, aux fidèles qui iront prier à la synagogue. Il est important de ne pas créer d'exclusions, et ici, la lecture du vocabulaire exprimé en façade est confuse.
Pourquoi ne pas “écouter” l'urbanisme de cette rue, composer avec elle ? La façade actuelle est aussi le signe vivant d'une meurtrissure intense qui a touché le monde entier en plus de la communauté israélite. Peut-on gommer l'Histoire, contenue dans ce crime odieux ? Il faut prendre garde qu'à force d'effacement, l'amnésie gagne du terrain, et ce peut être le lit de nouvelles violences. J'étais rue Copernic ce 3 octobre 1980 – ce fut indescriptible.
Pourquoi ne pas garder la façade actuelle dans son impression haussmannienne, toute chargée de forces émotives, et supprimer la surélévation ingrate pour la remplacer par une structure plus légère, très vitrée (1), et pourquoi pas jardinée. Attention à ne pas faire table rase du passé, surtout ne pas tomber dans ce piège, mais je suis sûr que cela n'est certainement pas votre intention.
Veuillez, cher Monsieur le Président, accepter l'expression de mes sentiments très respectueux,
Thierry DELABALLE.
P.S. : Vous n'êtes pas sans ignorer, bien sûr, l'extrême tension actuelle au Moyen Orient. Hélas, l'époque réclame beaucoup de prudence en ce qui concerne les religions en général et leurs édifices. L'équilibre de cette rue est fragile, il faut avoir cela à l'esprit, déjà des rumeurs nauséabondes pointent leurs nez, alors beaucoup de subtilités sont nécessaires pour préserver notre quartier de toutes violences.
(1) Favorisant l'ensoleillement pour des salles de classes, par exemple
De : Alain BILLIARD Vanves 3, rue de Valois PARIS 75001
À : Monsieur le Ministre de la Culture Franck RIESTER
OBJET : Copernic, l’âme d’une synagogue
Vanves, le 21 mars 2020
Monsieur le Ministre de la Culture, Monsieur,
Je viens par cette lettre vous dire mon émotion à propos du projet de la destruction/reconstruction de cette synagogue. Je ne suis pas juif et ne suis jamais rentré dans ce lieu dont le nom est bien connu des Parisiens. Ce qui m’amène ici, ce sont des relations d’amitié avec certains de ceux pour qui cette synagogue est un lieu de culte, mais aussi un lieu chargé d’histoire, un lieu d’innovation et de prouesse architecturale, de création artistique de ce Paris des années 1920 qui était encore la capitale des Arts, et qui ne veulent pas se résoudre à sa disparition.
Et c’est donc sur le site « sauvegardecopernic.org » créé par l' « Association pour la Protection du Patrimoine de Copernic » (APPC) que j’ai fait la connaissance avec ce lieu, son histoire, que j’ai vu les photos de cette magnifique verrière, de ce puits de lumière qui inonde la salle de culte… et que j’ai commencé à comprendre que ce lieu avait une âme. C’est ce que malheureusement n’ont pas ressenti les promoteurs du projet.
Cette volonté de préserver le patrimoine historique de Pris est largement partagé par les Parisiens, vous le savez bien. Et pourtant, notre société moderne a trop souvent le mauvais penchant de se projeter dans l’avenir en s’affranchissant du passé ; avec beaucoup d’orgueil elle ne veut pas se sentir héritière. N’est-ce pas pour cette raison, par manque d’attention et finalement par manque d’amour que Notre Dame a été ravagée par un incendie ? Ce jour-là fut un jour d’humiliation et de grande tristesse.
Ce sont des sentiments analogues qui m’animent quand je songe à cette synagogue menacée. La communauté de la synagogue est divisée sur le projet, mais la pétition lancée par l’APPC a recueilli plus de 10 000 signatures. Comme vous même, je suis attaché à ces lieux dont les murs gardent, d’une façon à la fois visible et secrète l’empreinte des moments dont ils furent témoins.
À Copernic : des moments de culte, des chants, des moments vécus du Paris de la guerre, de la déportation, de cet attentat de 1980 présent dans toutes les mémoires.
Et je vous invite, Monsieur le Ministre, sur ce dossier que peut-être vous connaissez déjà, à prendre la mesure de tout ce que cette destruction enfouirait à jamais, et à intervenir pour la protection de ce patrimoine. Vous sachant atteint par le coronavirus, je vous souhaite par ailleurs un prompt rétablissement.
Sincèrement, Alain BILLIARD
Madame Anne HIDALGO Maire de la Ville de Paris Place de l’Hôtel de Ville F 75004 Paris
Bad Honnef, le 21 mars 2020
Madame le Maire, Chère Madame Hidalgo,
En tant que représentante et accompagnatrice d’un groupe de tourisme culturel (Reisegruppe Paris, Bonn & Bad Honnef) ayant pour but, depuis des années, la connaissance de votre ville de Paris, je me permets de vous écrire pour vous soumettre une de mes préoccupations « parisiennes » urgentes.
Il s’agit du projet de la démolition de la synagogue historique de la rue Copernic et de la construction, à sa place, d’un nouveau « centre culturel et cultuel » juif, appelé par ses promoteurs le « Nouveau Copernic ».
Lors de notre dernière visite à Paris (fin décembre 2019), on nous fit comprendre déjà, que la démolition de l’édifice historique était prévue pour bientôt. Et, malheureusement, une recherche Google confirme ces informations : l’édification d’un nouveau bâtiment plus vaste (et plus onéreux) semble être quasiment imminente… Nous nous sommes renseignés auprès de personnes faisant partie de la communauté : l’ULIF-Copernic a, effectivement, publié un échéancier pour ses travaux futurs, par lequel on apprend que le dépôt du permis de démolition / construction est prévu pour le mois prochain.
C’est avec la plus vive incompréhension que les participants de notre groupe de voyage et moi-même avons reçu cette nouvelle. (Je tiens à souligner, dans ce contexte, que mes amis et moi-même n’appartenons à aucune communauté religieuse ; cette lettre n’est donc point motivée par un quelconque parti pris idéologique !)
Comment comprendre que, dans une capitale comme Paris – dont le monde entier reconnaît la place exceptionnelle au niveau de la culture et de la conscience historique –, de tels projets de démolition puissent trouver un écho favorable auprès des plus hauts responsables de la gestion urbaine ? À l’étranger, nous avons perçu cette annonce comme exprimant une volonté décidée, et même une détermination d’effacer tout un pan de l’histoire ! Un pan de l’histoire française, mais aussi de l’histoire européenne, car, non seulement s’agit-il, ici, de la maison mère du judaïsme francophone libéral dont les initiatives ont fécondé, depuis les années 1980 du siècle dernier, toute la « Geistesgeschichte » européenne ; mais l’attentat du 3 octobre 1980 a, également, plongé toute la partie occidentale de notre continent dans un deuil indicible dont les conséquences n’ont toujours pas été résorbées.
Permettez-moi, chère Madame, de mentionner ici l’Agenda 2030 que les Nations Unis ont publié en 2015. On pourrait le considérer comme une feuille de route pour l’avenir du monde : un avenir du monde que vous représenterez de façon officielle lors des Jeux Olympiques de 2024. Cet Agenda souligne essentiellement les questions tournant autour des perspectives conservatoires que nous devrons prendre à bras le corps pour le bien de notre planète.
Dans ce contexte, la notion de conserver comporte aussi bien des aspects économiques, écologiques et sociaux… Toutes les nations sont invitées à accorder leurs programmes d’action aux principes de ce manifeste.
La conservation d’édifices historiques en fait tout particulièrement partie, notamment lorsqu’il s’agit de bâtiments si emblématiques pour d’identité d’une grande partie de vos citoyens. La synagogue de la rue Copernic est, dans ce sens, emblématique non seulement pour la communauté juive, mais pour le vivre-ensemble bienveillant de la collectivité nationale tout court.
Les membres de notre groupe touristique - tout comme, certainement, les passionnés du patrimoine parisien! - seraient infiniment reconnaissants si vous pouviez, si vous vouliez, intégrer cette vision conservatrice dans vos réflexions autour du projet « Réinventer Paris », dont tout le monde nous parlait lors de notre dernière visite.
Acceptez, chère Madame, que je réitère, une fois de plus, notre requête pressante : en vue de l’avenir de la capitale mondiale que vous serez éventuellement amenée à diriger pour un quinquennat supplémentaire, opposez-vous aux initiatives destructrices !
En espérant que vous voudrez bien agréer le ton assez personnel de cette missive – il est vrai que je vous écris un peu « de femme à femme » –, je vous prie, Madame le Maire, de croire à l’expression de ma considération la plus distinguée,
Dr. Uta HAGEMANNS, Président du Groupe de voyage « Reisegruppe Paris, Bonn & Bad Honnef »
« Reisegruppe Paris, Bonn & Bad Honnef », Hauptstrasse 21, D 53406 Bad Honnef, ALLEMAGNE